Une cure de dix jours sans télé, ordinateur, jeux vidéo, ...

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Une cure de dix jours sans télé, ordinateur, jeux vidéo, ...

Messagede vallauri le 12 Nov 2007, 19:24

JOURNAL DE SAINT-BRUNO (Canada)

15.10.2007

Une cure de dix jours sans télé, ordinateur, jeux vidéo, Game Boys et cie
L'école Jacques-Rocheleau engage la lutte contre les «4É»

David Penven

Projet novateur, original et sûrement salutaire, diront les observateurs. L'école primaire Jacques-Rocheleau, de Saint-Basile, propose tout un défi à ses élèves et, par ricochet, à leurs parents. Depuis le 17 avril, ces élèves ne doivent plus consommer télévision, ordinateur et jeux vidéo. Un défi de dix jours où la participation des parents est essentielle à la réussite de ce projet particulier.

Tellement, qu'une équipe de l'émission d'information Enjeu, de la télévision de Radio-Canada, suit l'expérience de près et lui consacrera un reportage l'automne prochain.

"On a décidé de s'attaquer au phénomène des quatre écrans (4É) : la télévision, les jeux vidéo, l'ordinateur et le plus petit de tous et non le moindre des écrans, le Game Boys (ou toute autre console portable). Ce dernier est très dangereux parce qu'il est tout petit et que par conséquent on peut le trimbaler partout", explique Diane Savard, directrice de l'école Jacques-Rocheleau.

Les 4É doivent rester fermés durant ces dix jours, soit du 17 au 26 avril, week-end inclus. Les enfants ont en leur possession un journal de bord dans lequel ils peuvent inscrire les moments les plus difficiles, dire comment ils ressentent cette privation.

Ce défi est présenté sous la forme d'un match opposant les quelque 653 élèves de Jacques-Rocheleau, de la maternelle à la sixième année, aux 4É. Pour chaque journée de réussite, c'est-à-dire où il a respecté la consigne, l'enfant obtient des points. Ainsi, chaque élève relève le défi de ramasser 54 points au bout de dix jours, à raison de cinq points par jour. Pour le samedi et le dimanche, c'est sept points pour chacune de ces journées, car l'élève risque davantage de succomber à la tentation le week-end.

"Il n'y a pas de rivalité entre les classes concernant l'obtention des points. Nous sommes tous unis pour affronter l'équipe des Écrans. Le 27 avril, au lendemain du défi, en matinée, nous révélerons le nombre de points obtenus et en après-midi, il y aura une activité-surprise pour souligner les efforts de nos élèves", ajoute Mme Savard.

Violence et indifférence
L'idée d'un tel projet n'est pas une lubie. Au contraire, ce projet a été mis sur pied après réflexion et concertation. Le corps enseignant, la direction de Jacques-Rocheleau et divers intervenants de l'école ont été mis à contribution. De plus, les parents ont été informés et consultés à différentes occasions pour voir s'ils manifestaient de l'intérêt face à ce défi pour le moins original.

"Au départ, ici, dans notre école, on a voulu faire quelque chose pour diminuer la violence en termes de prévention. Jacques-Rocheleau n'a pas plus de problèmes de violence qu'un autre milieu, loin de là. Notre environnement est beau, nous avons une belle communauté tricotée serrée. Sauf qu'il ne faut pas attendre que des drames comme celui survenu aux États-Unis (la tuerie de l'université Virginia Tech) se présentent à nous pour que nous nous posions des questions et que nous commencions à réagir", déclare Diane Savard.

L'idée originale de ce projet viendrait de la Californie et a été reprise, ici, par Jacques Brodeur, un enseignant retraité en éducation physique, qui a exercé dans la région de Québec. L'école Jacques-Rocheleau a communiqué avec ce dernier, lequel a offert de collaborer à ce défi.

"On est conscient qu'en Amérique du Nord, il y a beaucoup plus de violence qu'il y en avait auparavant. On constate que nos enfants sont de plus en plus réactifs, c'est-à-dire que ce sont des enfants qui ont été très exposés à toutes sortes d'émissions de télévision, de jeux vidéo où l'on demande aux enfants d'avoir des réflexes plutôt qu'une réflexion. Il est important que nous, en tant qu'école, nous contribuions à la réflexion plutôt qu'au réflexe", poursuit la directrice de l'école Jacques-Rocheleau.

Écraser virtuellement la femme et son bébé
En proposant une cure sans télé et jeux vidéo, l'école vise essentiellement un double objectif : celui de soustraire ses élèves à la violence et de resserrer les liens familiaux. Des données fournies par Diane Savard ébranlent.

"En Amérique du Nord, les enfants passent en moyenne 25 heures par semaine devant les quatre écrans. Quand on parle d'une moyenne, cela peut être moins ou être plus! Et les enfants sont 25 heures par semaine en classe. On est kif-kif. On sait qu'en 2000, un jeune du primaire de 12 ans a vu, depuis sa naissance, 8000 meurtres et 100 000 autres actes de violence à la télévision (et côté pubs, on estime - pour les États-Unis - qu'un enfant voit annuellement 40 000 publicités au petit écran). Et ici, on ne parle pas des jeux vidéo. C'est un phénomène de société que nous vivons. Nos enfants ne nous arrivent pas à l'école sortis d'un bocal hermétiquement clos. Nous, à l'école, on insiste sur le respect, l'empathie. Les élèves ont de la difficulté à ce sujet; c'est difficile pour eux de se mettre à la place de l'autre et d'essayer de le comprendre. Quand tu regardes les jeux vidéo violents et que dans certains d'entre eux, tu obtiens plus de points si tu tues, frappes ou écrases une femme avec son bébé dans un landau traversant la rue, tu ne peux pas dire que tu développes l'empathie en jouant à ces jeux. La surexposition des enfants à ces messages fait en sorte qu'ils deviennent insensibles. Et cette insensibilité-là est tout à fait contraire à l'empathie dont on veut doter les enfants", lance-t-elle.

Se parler en famille et non formuler des consignes
Cette surexposition aux 4É engendre un autre effet pervers : celui de diminuer considérablement le dialogue au sein de la famille. Et lorsque l'on parle de dialogue, on parle du fait de se retrouver tous ensemble autour d'une même table pour tout simplement jaser. Sans télé ou de radio en toile de fond. Un véritable échange entre les parents et leurs enfants et non pas une série de consignes, du style "As-tu fait tes devoirs?" "Est-ce que tes dents sont lavées?"

Selon les dernières études, le temps consacré à un véritable dialogue familial se résume hebdomadairement pour l'Amérique du Nord, selon Diane Savard, à... 38 minutes!

"On veut que les 38 minutes de discussion par semaine augmentent. Si papa et maman écoutent la télé pendant que leur enfant fait autre chose, on passe à côté de notre objectif. Quand papa et maman vont prendre le temps de parler à leur enfant, ils vont s'intéresser davantage à ce qu'il fait à l'école. C'est quelque chose qui va rapporter aux enfants. Il y a des parents qui m'ont dit merci de leur ouvrir cette porte-là. Ce n'est pas évident de se battre contre la télé, les jeux vidéo, l'ordi. Ce sont des produits alléchants", rappelle Mme Savard.

Le défi sera-t-il facile à relever ?
Qui remportera le match? Les élèves de Jacques-Rocheleau ou les 4É? La directrice de l'établissement est bien consciente que la tentation sera forte. Il n'est pas facile de renoncer à des habitudes bien ancrées.

C'est pour cette raison que l'école s'est assurée de la collaboration des parents. Selon Mme Savard, les élèves de Jacques-Rocheleau, comme ceux d'ailleurs, sont de grands consommateurs des 4É.

"Beaucoup de nos élèves se lèvent le matin et écoutent la télévision ou jouent à des jeux vidéo avant de venir à l'école. Le midi, ceux qui mangent à la maison sont sollicités de nouveau par les 4É. Au retour de l'école, le soir, la tentation est de nouveau présente, surtout si les parents ne sont pas présents à la maison parce qu'ils sont encore au travail. Au souper, la tentation est aussi grande. Combien de familles écoutent la télé en soupant? Peut-être neuf familles sur dix, même si, à ce propos, je n'ai pas de statistiques."

L'école est-elle en droit de s'attendre à de meilleurs résultats scolaires au bout de ces dix jours d'abstinence?

"Des études ont démontré le lien qui existe entre le temps passé devant la télé et les résultats scolaires. On veut que les enfants développent leur sens critique et surtout qu'ils développent d'autres intérêts que les jeux vidéo. Au lieu de regarder la télé, l'enfant pourra lire, faire du sport, autre chose..."

L'engouement des parents s'est manifesté dès le départ. En janvier, lors de la première réunion d'information, ils étaient 200 à y assister. Près de 90 d'entre eux ont indiqué qu'ils étaient prêts à effectuer du bénévolat pour la réussite du projet. Car, pour éviter que les élèves craquent le soir et ne se précipitent de nouveau devant l'un des 4É, l'école a mis en place des activités qui se déroulent de 18h30 à 20h. La première, d'où a été tirée la photo de la page frontispice du Journal, était baptisée le grand Tintamarre. Une parade dans les rues de Saint-Basile, organisée avec la participation de la municipalité qui soutient aussi ce défi.

Quant à Diane Savard, elle souhaite que l'exemple de Jacques-Rocheleau soit repris ultérieurement par les autres écoles de la région. Et l'auteur de ces lignes d'ajouter : "pourquoi ne pas en faire un événement officiel chapeauté par la Commission scolaire des Patriotes?"
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